Peut-on vivre le plaisir dans l'immédiat?
« Il en est des plaisirs comme des photographies. Ce qu’on prend en présence de l’être aimé n’est qu’un cliché négatif, on le développe plus tard, une fois chez soi. Quand on a retrouvé à sa disposition cette chambre noire intérieure dont l’entrée est « condamnée » tant qu’on voit du monde. »
Marcel Proust
Le plaisir. Notre société a commencé à réellement prendre en compte cette notion comme vitale, ou du moins comme extrêmement importante, pour l’être humain, dès la Révolution Industrielle, au début du XIXe siècle, lorsque les journées de la grande majorité de la population ont cessé d’être entièrement dédiées au travail. S’il existait, parfois, quelque moyen de se divertir, les foires ou les bistrots, le plaisir et surtout la notion de loisir, presque toujours appendue, étaient usuellement très mal considérés, nuisant à la productivité. Ce bien-être total est maintenant ouvertement recherché, et la culture a suivi la tendance, en faisant un thème central de nombreuses œuvres majeures. Nombre d’auteurs traitent donc de ce sujet et Marcel Proust est l’un d’entre eux. Cet écrivain français, ayant vécu entre 1871 et 1922, s’est beaucoup intéressé à la philosophie du souvenir, et par là à la psychologie qui en découle. Il déclare dans son ouvrage A l’ombre des jeunes filles en fleurs, prix Goncourt l’année de sa publication en 1919, que l’individu est incapable de ressentir réellement le plaisir au moment où il l’éprouve, mais qu’il lui faut solitude et recul afin de pouvoir, au moyen des éléments que lui fournit sa mémoire, le vivre à sa vraie valeur. Il est aisé de constater que son affirmation centrée sur le thème du plaisir et de la manière de l’appréhender fut, et est toujours, source de controverses. C’est la raison pour laquelle je pense intéressant d’en discuter quelques points, est ceci à travers les questions suivantes : Cette assertion, basée uniquement sur la notion de plaisir, peut-elle être étendue à