Peut-on éliminer le chômage en europe
Olivier Blanchard** La réduction, sinon l’élimination, du chômage est un sujet politiquement sensible. La plupart des opinions exprimées sur le chômage prennent la forme de recettes simples, énoncées comme des conditions suffisantes. Pour certains, il suffit d’éliminer les rigidités du marché du travail ; les propositions vont de la suppression des allocations chômage à la suppression du salaire minimum, en passant par une réforme des régimes de protection de l’emploi. Pour d’autres, le chômage n’est qu’un effet induit par une activité insuffisante ; il suffit de relancer la demande ou d’exiger une baisse des taux d’intérêt par la Banque Centrale Européenne ou d’abandonner le Pacte de Stabilité et de Croissance, etc.
Après 25 ans de recherche sur la question, je suis convaincu que le dogmatisme n’est pas de mise. Le problème du chômage n’est pas réductible à une seule dimension et il ne saurait donc être résolu par des mesures épousant un seul point de vue. Cette conférence a pour objet d’exposer les faits observés en matière de chômage dans l’Europe des 15 et d’en tirer des leçons pour la politique économique des Etats. Le plan en est le suivant. Dans la première section, nous procédons à un premier examen des données sur le chômage dans l’Union européenne. Nous mettons en évidence la grande hétérogénéité de l'évolution du chômage, à la fois dans le temps et d’un pays à l’autre. La section 2 constitue un rappel méthodologique sur la différence entre le « taux observé » et le « taux naturel » de chômage, distinction essentielle à l’analyse qui suit. Dans la section 3, nous présentons un schéma conceptuel distinguant les chocs macroéconomiques exogènes d’une part et, d’autre part, le poids et l’évolution des institutions dans la détermination du taux de chômage naturel. La section 4 contient un survol empirique montrant des évolutions contrastées de la productivité, des taux de remplacement et de la protection de l’emploi