Philo : lettre à ménécée
“La décadence de la cité grecque comme État indépendant étant, de son temps, consommée, Épicure (-341/-270) ne philosophe plus, comme Platon ou Aristote, pour le citoyen ayant part au pouvoir politique, mais pour l’individu réduit à lui-même, et qui, au-delà même du désespoir politique, se résigne à ne plus se soucier que d’être heureux. Mais être heureux est tout un art, et ce qu’Épicure entend apporter à l’homme, c’est la méthode du bonheur. La Lettre à Ménécée est, de ce point de vue, un traité de la méthode. A quoi tient l’absence de bonheur ? Qu’est-ce qui rompt l’équilibre de l’âme et empêche la sérénité ? Rien d’autre que la crainte, l’insatisfaction et la douleur : crainte des dieux, de ce qui vient après la mort, désirs que rien ne comble, douleurs physiques. Or il est possible de supprimer la crainte des dieux par la connaissance de ce qu’ils sont, de supprimer la crainte de la mort par la connaissance de l’âme et de ce qu’elle devient après la mort, enfin de faire rentrer les désirs dans leurs limites naturelles (où ils sont aisés à satisfaire) par la connaissance de notre nature et de l’organisme humain. (...)
On le voit : le bonheur a sa condition dans la connaissance : connaissance des dieux, connaissance de l’homme. Or l’homme est au monde. La connaissance de l’homme suppose la connaissance du monde, entendant par ce mot (cosmos ) l’ensemble de ce qui est visible à l’œil nu (y compris, donc, les étoiles). La méthode du savoir est simple : construire un modèle d’univers dans lequel on puisse rendre compte de ce que l’on voit.” (Marcel Conche, contemporain, historien de la philosophie).
Comme le souligne dans ce passage Marcel Conche, il n’est pas possible de comprendre la Lettre à Ménécée en l’isolant du reste du système épicurien. Dire de l’œuvre d’Épicure qu’elle constitue un système, c’est signifier que les trois parties qui la composent (Physique, Canonique et Éthique) forment un ensemble cohérent