Alain s'inscrit dans une perspective dualiste héritée de Descartes. Pour lui, la conscience est cette force qui nous permet de nous opposer aux impulsions du corps, et c'est d'ailleurs dans la mesure où ilpossède ce pouvoir indépendant du corps que l'homme peut être dit habité par une âme, un esprit. Ainsi, la conscience n'est pas seulement la capacité de nous relier à nous-mêmes et aux choses, comme le veut la définition traditionnelle; car nous n'appréhendons véritablement son existence que lorsqu'elle se manifeste comme opposition, doute résistance.
Alain estime, contrairement à l'opinion commune,que la conscience se perd lorsque l'homme cède à son corps. Corps et conscience ne peuvent s'affirmer qu'au détriment l'un de l'autre. Si le corps triomphe, alors l'âme disparaît; si l'âme domine, le corps doit alors faire taire ses exigences et passer au second plan.*
L'âme est action et non pas être. Elle se définit en effet à travers un acte (l'acte volontaire) qui est tout ce qu'elle est.L'âme n'a pas d'autre essence que d'être ce qui fait barrage à ce qui nous sollicite.
Introduction :
Définir c’est fixer le contenu d’une notion, déterminer la nature ou l’essence de ce dont on parle. La définition est une opération fondamentale de la pensée tant il est vrai, selon Alain lui-même, que philosopher consiste peut-être seulement à savoir ce que l’on dit et si ce que l’on dit estvrai. Or, on parle souvent d’âme.
« L’homme c’est l’âme » disait Socrate et nos institutions fondent l’égalité en droits et en dignité des hommes sur la conscience ou la raison.
Ame, conscience, raison, l’usage ne distingue pas nécessairement les significations. Alain non plus. Par exemple, l’équivalence âme –conscience est établie lorsqu’il procède à une reprise de sa première définition :« le fou n’a aucune force de refus ; il n’a plus d’âme. On dit aussi qu’il n’a plus de conscience, et c’est vrai » lit-on.
Sans doute, le philosophe athée que fut Alain n’ignore-t-il pas les réticences que le mot âme peut susciter chez ceux qui récusent toute option religieuse ; mais s’il ne répugne pas à employer le mot , il ne se dispense pas d’en interroger le sens . Que faut-il entendre par« âme » ? « Ce beau mot » précise-t-il. Qu’est-ce qui nous conduit à en admettre le principe ?
Telles sont les questions que Alain affronte dans ce texte dont le ton est très dogmatique. Son élucidation s’étaie sur la seule observation du réel. Alain ne prétend pas définir l’âme dans sa nature, il se contente de la décrire dans ses manifestations. Et si la description exige de recourir au dualismede l’âme et du corps, c’est que la part mécanique n’épuise pas la réalité humaine et qu’aux antipodes de l’animalité, l’humanité fait signe dans le monde comme ce qui la refuse. « Dire qu’il faut séparer l’âme du corps remarque Alain dans Histoire de mes pensées c’est la même chose que de dire qu’il faut séparer l’homme de l’animal »
Le dualisme n’est donc qu’une manière de mettre en mots ce...