Philosophie antique
A l’issue de ces deux premières parties, une question assez étonnante surgit : non pas « qu’est-ce que le bonheur ? » mais « quand est-ce, le bonheur ? »
Pour les uns, c’est ici, maintenant, tout de suite, de tout cœur, carpe diem ! Pour les autres, c’est là-bas, au loin, nulle part, nulle quand, dans ce monde statufié des Idées éternelles.
Peut-on trouver un moyen de réconcilier la chair et l’esprit, le corps et la pensée ? Faut-il penser que le bonheur ne peut s’imaginer que sous le visage d’une guerre permanente entre le corps et la tête (une copie posait cette question : bonus !) ? Le bonheur est-il de ce monde ? Bien des candidats pensent que non, qui ont cité Larigaudie : « Notre soif de bonheur est telle qu’elle ne peut être rassasiée que dans l’au-delà. »
Je regrette beaucoup que ces candidats n’aient pas eu la curiosité d’esprit d’ouvrir l’Ethique à Nicomaque d’Aristote, car ils auraient pu y lire ceci presque dès le début (I, p. de Bekker 1100a l.10-15) : « Irons-nous jusqu’à dire qu’on n’est heureux qu’une fois qu’on est mort ? Ou plutôt n’est-ce pas là une chose complètement absurde […] ? » Et Aristote d’expliquer.
Le bonheur se définit comme une vie excellente, c’est-à-dire pleinement conforme à sa nature (il est clair que le bonheur d’un athlète ne ressemble pas à celui d’un employé de bureau ; il fallait noter ici la différence avec la définition « plaisir durable »). A ce titre, il s’agit d’une manière d’agir, d’une forme d’activité – ce qui exclut donc qu’elle ne se trouve que dans la mort, l’au-delà ou le monde des Idées ; mais cette vie excellente ne peut pas non plus se résumer à un « tout, tout de suite, maintenant, comme une brute » pour la bonne raison que nous sommes, nous autres humains, doués de pensée par nature. Aussi ne pouvons-nous pas supprimer notre pensée pour atteindre le bonheur (pour une opinion proche, on pouvait aussi penser à Pascal, voir le texte proposé dans