philosophie la tolérance
Par Pierre-Marie Pouget
LA LANTERNE DE DIOGENE :
L’INCERTITUDE D’ETRE UN HOMME
EDITIONS DU MADRIER, 2002
Le champ sémantique du mot « tolérance » n’est pas des plus clairs. Selon certaines de ses acceptions, ce terme incite à la méfiance. Le Littré de 1882 définit la tolérance comme « condescendance, indulgence pour un péché... qu’on ne peut pas ou ne veut pas empêcher ». La Summa Juris Publici Ecclesiatici de Capello (1928) la présente comme « permissio negativa mali », permission négative d’un mal, réel ou supposé. Ces deux significations n’invitent pas à situer la tolérance dans le contexte des vertus, c’est le moins qu’on puisse dire. Elles expriment une attitude lâche, voire de relâchement : « La tolérance ? Il y a des maisons pour ça » (Paul Claudel). La tolérance fait cependant partie des qualités humaines que l’on prône actuellement. Le dictionnaire Robert va dans ce sens. Elle est le sérieux qui « admet chez autrui une manière de penser ou d’agir différente de celle qu’on adopte soi-même », qui respecte « la liberté d’autrui en matière de religion, d’opinions philosophiques, politiques ». Devant le fait objectif de la pluralité des cultures, l’on entend ce genre de définition de la tolérance. Mais « qui » tolère ? Les personnes ou les collectivités en position dominante accepteront-elles les idées « dissolvantes », « étrangères »..., qui peuvent ébranler leur situation ? Elles réprimeront de telles idées, puisqu’elles en ont les moyens. Les vaincus, les minoritaires, admettentils la façon de penser et d’agir des vainqueurs, des maîtres, des plus forts ? Ils essaieront de ne pas subir trop durement leur état ; ils pourront chercher à se faire tolérer en étant habiles à ne pas éveiller l’agressivité des dominants, à obtenir même quelques concessions. Mais cette forme de tolérance s’éloigne du concept qu’en donne le Robert. La question rebondit : que veut dire la tolérance ? Ce vocable se rattache à la racine