Philosophie
« Le sommeil de la raison engendre des monstres » GOYA
" Alors même que les philosophes ne s'intéressent qu'aux incarnations de la philosophie et non aux hommes, ces mauvais coucheurs s'occupent de la philosophie.
Il y a un manque scandaleux de réciprocité
Aucun d'eux ne saurait regarder la philosophie avec détachement, lorsqu'il la rencontre, bien que les philosophes le regardent lui-même ainsi. Les simples têtes humaines ne sont pas à l'aise dans le ciel glacial des Idées.
Les lieux intelligibles ne sont point ainsi faits qu'ils y respirent librement. Ils ont l'impudence de ne point exclusivement s'attacher à l'élégance d'un argument, à la subtilité technique d'une solution, à l'habileté de telle jonglerie : ils demandent qu'on leur explique ce que telle philosophie signifie pour eux, ce qui résulterait réellement pour eux de la mise en vigueur, du succès définitif de telle affirmation philosophique sur le destin des hommes.
Certains d'entre eux qui parlent pour ainsi dire par délégation et mandat demandent des comptes à la philosophie lorsqu'elle est contre eux, ou simplement lorsqu'elle ne s'occupe pas d'eux.
Quand les philosophes traitent de l'Esprit et des Idées, de la Morale et du Souverain Bien, de la Raison et de la justice, mais non des aventures, des malheurs, des événements, des journées qui composent la vie, ceux à qui les malheurs arrivent, qui éprouvent le poids des événements, qui courent les aventures et passent les journées et passent à la fin leur vie, n'aiment pas cette manière hautaine de philosopher.
Ils jugent toutes les philosophies par rapport à leur propre mal et à leur propre bien, et non point par rapport à la philosophie elle-même.
Ils les approuvent de loin, ou ils les embrassent, ou ils se révoltent contre elles : ils ne sont jamais des objets passifs, indifférents à la connaissance qu'on a d'eux, aux jugements dont ils sont le sujet, aux destins qui leur sont assignés ou