Phèdre de racine acte 1 scene 1
La pression de l’ascendance, dont nous venons de parler, peut être lue comme un détour de soi, et une impossibilité de s’assumer. La pièce s’ouvre sur une sortie, et même une double sortie de ceux qui vont constituer le nœud du drame : Hippolyte veut quitter Trézène pour retrouver son père, et Phèdre s’exiler de la vie. Cette démarche d’évitement est inscrite en creux dans tout le passage dont il donne la clé.
1) La parole soufflée
D’un point de vue dramatique, puisque c'est à une pièce de théâtre que nous sommes confrontés, on se doit d’insister sur l’extrême violence qui conduit sur la scène à nier autrui dans sa parole, à le faire taire : Théramène et Hippolyte occupent ici des positions strictement antinomiques, puisque l’un questionne, attend une réponse, ouvre l’autre à la parole (v. 8 ; v. 33 ; v. 47 ; v. 65), et l’autre au contraire l’interdit et la nie,
– en invitant au silence et au retrait ("Cher Théramène, arrête, et respecte Thésée" v.22), quand il est question du statut héroïque de Thésée, qu’Hippolyte veut univoque,
– en reprenant la parole pour la dénier ("Ami, qu’oses-tu dire ?" v. 66), quand Théramène ose utiliser le verbe aimer,
– en coupant court à l’échange ("Théramène, je pars, et vais chercher mon père" v. 138), quand Théramène prononce le nom d’Aricie,
– ou encore, mais avec Phèdre cette fois, en l’évitant d’emblée ("Il suffit, je la laisse en ces lieux" v. 152).
Ce refus de la parole, ou, pour parler net, ce refoulement généralisé de la part d’Hippolyte, intervient dans cette scène d’exposition comme une répétition générale du refoulement de la déclaration de Phèdre à la scène 5 de l’Acte II ("Dieux ! Qu’est-ce que j’entends …"). On l’aura compris, derrière la négation d’autrui dans sa parole, il y a aussi et surtout, une négation de soi.
2) Les détours du langage
Phèdre est une tragédie de l’âge classique, et l’on ne saurait s’étonner d’y trouver