uNous sommes à la fois installés et mis à l'écart par une mise en scène qui va faire s'alterner le proche et le lointain, la tragédie mythique solaire de l'aveuglement et celle moderne du langage impossible, dans un déroulement implacable. Sans crier gare, Hippolyte, le fils de Thésée, et Théramène son précepteur surgissent dans cet espace, forçant le public au silence. L'intensité prend place, la quête du père disparu est liée à la fuite de deux femmes : Phèdre " la fille de Minos et de Pasiphaé ", dernière épouse de Thésée et véritable marâtre de son beau-fils ; Aricie, le dernier membre, immaculé et innocent, d'une fratrie traîtresse à la famille royale d'Athènes, proscrit de fait et que le jeune héros aime. D'emblée, l'aveuglement de l'amour se fait jour, d'emblée Phèdre et Hippolyte semblent liés dans une incompréhension commune, d'emblée Hippolyte ne comprend pas que Phèdre agit vis-à-vis de lui comme il agit vis-à-vis d'Aricie : "Si je la haïssais, je ne la fuirais pas". Jamais une mise en scène n'avait souligné à ce point les destins parallèles de la reine et du prince, jamais une mise en scène n'avait doté Hippolite d'une telle intensité. Personnage réputé falot, écrasé par l'ombre d'un père, à la libido déchaînée et à l'héroïsme forcené, Hippolyte acquiert par la voix et le corps de Eric Ruf, une présence impossible faite de quête et de fuite simultanées.Phèdre apparaît enfin, corps torturé, silhouette affaiblie... Langueur et violence se déchirent en son sein en un crescendo qui fait surgir la même présence impossible. La rhétorique de l'aveu qui parcourt la pièce, dit la passion en même temps qu'elle la rejette, la réduit en miettes. Mais ô surprise, cette Phèdre si attendue, si connue, si vue, nous "étonne", nous "émeut" et nous "prend"! Humaine et charnelle, jamais Humaine et charnelle, jamais hiératique ni figée dans une représentation pétrifiée de la monstruosité, on redécouvre en Phèdre une amante passionnée chez qui le remords ne cesse de se