Phèdre
Pour comprendre la querelle janséniste, il faut se rappeler les débats théologiques qui ont secoué l’Église à ses débuts. Saint Augustin et Pélage s’affrontent alors sur le délicat problème des rapports entre la grâce de Dieu et la liberté de l’homme. Face à Pélage qui magnifie la liberté humaine, Augustin insiste sur la grâce divine sans laquelle l’homme, indigne, ne peut rien faire de bien. Mais, poursuit-il, en donnant cette grâce efficace, Dieu n’annihile pas la liberté de l’homme.
Comment apprécier alors la part de la grâce divine et celle de la liberté humaine dans l’œuvre du salut ? Deux courants théologiques vont répondre à cette question. L’un plutôt pessimiste, mettant en avant la nature pécheresse de l’homme, insiste davantage sur la grâce qui, seule, est efficace. L’autre, plus optimiste sur la nature humaine, tente de donner toute sa place à la liberté de l’homme.
A la Renaissance, l’humanisme exalte les capacités humaines de l’individu. Jacques Lainez, successeur de saint Ignace comme Supérieur Général de la Compagnie de Jésus, rédige alors des instructions où il laisse entendre la nécessité d’accommoder la théologie aux idées nouvelles. Il importe, selon lui, de sortir d’une vision trop pessimiste de l’humanité alors prépondérante dans l’Église Catholique. A trop forcer les choses, les théologiens catholiques risquent, en effet, de fournir des arguments favorables à Luther et à Calvin !
C’est ce qui pousse les jésuites de Louvain à attaquer un professeur, Baïus, soupçonné de favoriser le calvinisme tant il nie toute possibilité à la liberté de l’homme. En 1567, le Pape Pie V condamne les thèses de Baïus. 20 ans plus tard, un jésuite, le Père Molina, relance la polémique en plaidant pour une grâce divine suffisante. Cette grâce apporte à l’homme tout ce qui lui est nécessaire pour faire le bien, mais elle ne peut faire son effet que par la seule décision du libre arbitre de l’homme. De vives