Pierre andré de suffren
Suffren est à l’étranger le plus connu des marins français. Pour les auteurs anglophones, Suffren est pratiquement le seul amiral français digne de figurer parmi les plus grands marins. De son vivant déjà, Suffren fait l’admiration de ses confrères anglais qui finissent par le surnommer « l’amiral Satan ». Clerk of Eldin, penseur naval britannique de la fin du xviiie siècle, vante son « mérite, sa bravoure, ses talents militaires » pour bâtir des théories navales dont se serait inspiré Nelson1. À la fin du xixe siècle, Mahan, le principal stratège américain fait de lui un éloge appuyé. En 1942, l’amiral King, alors à la tête de la marine américaine, dresse la liste des cinq plus fameux amiraux du passé. Il nomme John Jervis, Horatio Nelson, Maarten Tromp, Suffren et David Farragut. Selon lui, Suffren possédait « l’art de tirer le meilleur parti des moyens disponibles accompagné d’un instinct de l’offensive et de la volonté de la mener à bien »2.
En France, le jugement le plus célèbre est celui de Napoléon : « Oh ! pourquoi cet homme [Suffren] n’a-t-il pas vécu jusqu’à moi, ou pourquoi n’en ai-je pas trouvé un de sa trempe, j’en eusse fait notre Nelson, et les affaires eussent pris une autre tournure, mais j’ai passé tout mon temps à chercher l’homme de la marine sans avoir pu le rencontrer… » Ces paroles, de nombreuses fois citées, nous sont rapportées par Emmanuel de Las Cases dans Le Mémorial de Sainte-Hélène. Elles témoignent de l’immense prestige dont jouissait le héros de la campagne des Indes et des regrets de Napoléon. Pourtant, Suffren a toujours fait en France l’objet de commentaires contrastés. Le même Las Cases se fait l’écho des nombreux