La jeunesse : un mythe dépassé L’illusion de la catégorie La jeunesse, en tant que classe d’âge, est un mythe dangereux. Dangereux pour les individus traversant cette période de la vie, car, ainsi catégorisés, ils perdent leur identité de personnes uniques pour n’être plus définis que par leur âge : on dit un « jeune », comme on dirait un cheval. Dangereux pour ceux qui ont affaire à la jeunesse, car, le regard faussé par l’abstraction, ils perdent de vue la complexité hétérogène d’une somme d’individualités. Toute typologie qui nie la personne est périlleuse. On parlait comme cela « des femmes », il arrive que l’on parle ainsi « des hommes ». Nier l’individu, au profit de la catégorie, est anxiogène, car cela fonde une illusion : celle d’une foule étrangère, influencée par un instinct d’espèce qui l’animerait de façon aveugle. Comment accepter que l’on interroge un « jeune » pour savoir ce que pense la jeunesse ? Comment imaginer que ce collectif soit à ce point homogène que l’on puisse extrapoler l’opinion globale de l’avis d’un seul ? La population française, comme la nouvelle génération ‐ comme nous ‐ regardons d’abord notre propre situation et celles de nos proches, le reste est secondaire. Il en résulte une grande hétérogénéité de points de vue. Qui oserait dire : « J’ai interrogé un adulte pour savoir ce que pensent les adultes » ? N’a‐t‐on pas parfois un malaise lorsqu’un de nos interlocuteurs se sert d’un attribut physique comme substantif unique pour désigner une personne : « J’ai rencontré un gros, un handicapé, un Noir … » ? Il ne s’agit pas d’un propos innocent, mais l’expression qu’au fond la personne ainsi dénommée appartient à une sorte d’humanité différente, définie par cette caractéristique, avec tout ce que cela implique … Pourquoi l’accepter pour « un jeune » ? Ce déni d’individualité est un moyen de justification du