Esope , Fables (VI° siècle av. J.-C.),
« Les Grenouilles qui réclamaient un roi »
Les grenouilles, qu’affligeait leur régime anarchique, avaient dépêche à Zeus une ambassade pour lui demander de leur donner un roi. Voyant leur niaiserie, Zeus lança dans leur marais un pieu. Les grenouilles, d’abord effrayées par le bruit, se réfugièrent dans les profondeurs du marais ; puis, comme le pieu restait immobile, elles remontèrent, et finirent par tant le mépriser qu’elles grimpaient dessus pour s’y accroupir. Humiliées d’avoir un tel roi, elles se rendirent à nouveau auprès de Zeus pour le prier de leur donner un autre maître : le premier était par trop indolent. Alors Zeus courroucé leur envoya une hydre1, qui les prit et les dévora.
La fable montre qu’il vaut mieux avoir pour chefs des hommes nonchalants, mais sans méchanceté, que de cruels fauteurs de trouble.
1. Animal fabuleux en forme de serpent d’eau
Phèdre, Fables (Ier siècle ap. J.-C.)
« Les Grenouilles qui demandent un roi »
Alors qu’Athènes florissait sous des lois égalitaires, les agitations d’une liberté turbulente mirent le désordre dans l’Etat, et la licence relâcha les vieilles entraves. Grace à une entente entre les hommes des différents partis, Pisistrate, usurpant l’autorité, s’empare de la citadelle. Les Athéniens déploraient leur funeste esclavage, non que ce maître fût cruel, mais il leur pesait, parce que, d’une façon générale, ils n’avaient pas l’habitude du joug. Comme ils en venaient à se plaindre de leur fardeau, Esope leur raconta cet apologue :
Les Grenouilles, errant en liberté dans leurs marais, demandèrent à grands cris Jupiter, un roi pour réprimer par la force le dérèglement des mœurs. Le père des dieux sourit et leur donna pour maître un petit soliveau dont la chute soudaine au milieu de l’étang, épouvanta par la secousse et par le bruit la gent craintive. Plongé dans la vase il restait sans bouger depuis longtemps, quand au hasard une des grenouilles lève en silence la tête