Poemes villes
Vrai sauvage égaré dans la ville de pierre,
À la clarté du gaz je végète et je meurs.
Mais vous vous y plaisez, et vos regards charmeurs
M’attirent à la mort, parisienne fière.
Je rêve de passer ma vie en quelque coin
Sous les bois verts ou sur les monts aromatiques,
En Orient, ou bien près du pôle, très loin,
Loin des journaux, de la cohue et des boutiques.
Mais vous aimez la foule et les éclats de voix,
Le bal de l’Opéra, le gaz et la réclame.
Moi, j’oublie, à vous voir, les rochers et les bois,
Je me tue à vouloir me civiliser l’âme.
Je m’ennuie à vous le dire si souvent :
Je mourrai, papillon brûlé, si cela dure...
Vous feriez bien pourtant, vos cheveux noirs au vent,
En clair peignoir ruché, sur un fond de verdure.
Charles Cros
Derrière les murs dans la rue
Que se passe-t-il quel vacarme
Quels travaux quels cris quelles larmes
Ou rien La vie Un linge écru
Sèche au jardin sur une corde
C'est le soir Cela sent le thym
Un bruit de charrette s'éteint
Une guitare au loin s'accorde
La la la la la - La la la
La la la - La la la la la Il fait jour longtemps dans la nuit
Un zeste de lune un nuage
Que l'arbre salue au passage
Et le coeur n'entend plus que lui
Ne bouge pas C'est si fragile
Si précaire si hasardeux
Cet instant d'ombre pour nous deux
Dans le silence de la ville
La la la la - La la la la
La la - La la - La la - La la Louis Aragon
Le citadin
Avancez! Reculez! Arrêtez! – Des ordres chuchotés haletants à l’oreille. Obéis!
(Capitaines cachés dans la faim et la soif)
Fuis! Montre-toi! Un salut!
Signe, tais-toi, réponds, prends garde!
Que d’ordres venus de partout!
Le soleil? – La main sur les yeux!
La pluie? – Courbe le dos!
L’amour qui arrive? – Attention!
Et ces morts en travers du chemin tout à coup!
Chocs et contretemps de la ville et de la vie, je suis tranquille seulement si mon souffle et mon pas vous ressemblent.
L’instable est mon repos.
(Jean Tardieu)