Poemes
La mer est ton miroir; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer. 5Tu te plais à plonger au sein de ton image;
Tu l'embrasses des yeux et des bras, et ton cœur
Se distrait quelquefois de sa propre rumeur
Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage. Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets:
10Homme, nul n'a sondé le fond de tes abîmes;
O mer, nul ne connaît tes richesses intimes,
Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets! Et cependant voilà des siècles innombrables
Que vous vous combattez sans pitié ni remords,
15Tellement vous aimez le carnage et la mort,
O lutteurs éternels, ô frères implacables!
Le prix du silence
Anne Hébert
Le cri fait gicler la voix
Comme la pierre l’eau
Puis se noie
Le cri est un couteau
Pointu privé de manche
Les mains le poursuivent comme
L’onde l’illusion du rivage
Et plongent
On tue au fond de l’eau
Le sang beau lac anonyme est le prix
Du silence
Le pont Mirabeau
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l’onde si lasse
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
L’amour s’en va comme cette EAU courante
L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme l’espérance est violente
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la seine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure Guillaume