Poesie c2i
LA DESTRUCTION Sans cesse à mes côtés s’agite le démon ; Il nage autour de moi comme un air impalpable Je l’avale et le sens qui brûle mon poumon Et l’emplit d’un désir éternel et coupable. Parfois il prend, sachant mon grand amour de l’Art, La forme de la plus séduisante des femmes, Et, sous de spécieux prétextes de cafard, Accoutume ma lèvre à des filtres infâmes. Il me conduit ainsi, loin du regard de Dieu, Haletant et brisé de fatigue, au milieu des plaines de l’Ennui, profondes et désertes, Et jette dans mes yeux pleins de confusion Des vêtements souillés, des blessures ouvertes, Et l’appareil sanglant de la Destruction ! C. BAUDELAIRE
CHANSON D’AUTOMNE
Les sanglots longs Des violons De l’automne Blessent mon cœur D’une langueur Monotone. Tout suffoquant Et blême, quand Sonne l’heure, Je me souviens Des jours anciens Et je pleure ; Et je m ‘en vais Au vent mauvais Qui m’emporte Deçà, delà, Pareil à la Feuille morte. P. VERLAINE
FIAT NOX L’universelle mort ressemble au flux marin Tranquille ou furieux, n’ayant hâte ni trêve, Qui s’enfle, gronde, roule et va de grève en grève, Et sur les hauts rochers passe soir et matin. Si la félicité de ce vain monde est brève, Si le jour de l’angoisse est un siècle sans fin, Quand notre pied trébuche à ce gouffre divin, L’angoisse et le bonheur sont le rêve d’un rêve. O cœur de l’homme, ô toi, misérable martyr, Que dévore l’amour et que ronge la haine, Toi qui veux être libre et qui baises ta chaîne ! Regarde ! Le flot monte et vient pour t’engloutir ! Ton enfer va s’éteindre, et la noire marée