Porte parole
Introduction De par ses origines martiniquaises, Aimé Césaire prend rapidement conscience du désastre économique et culturel qu'engendre le colonialisme dans son pays. Dans son long poème en prose, Cahier d'un retour au pays natal publié en 1947 mais composé dès 1938-1939, il apostrophe violemment ses compatriotes pour les convaincre de renouer avec leur culture ancestrale, seul moyen d'envisager pour les Antilles un avenir en rapport avec leurs ressources matérielles et spirituelles. Après avoir examiné les raisons pour lesquelles le poète s'estime investit du droit d'en appeler à la révolte, nous dégagerons les traits caractéristiques de l'opposition qu'il établit entre la situation lamentable du pays colonisé et le réveil plein de bonheur qui suivrait la réhabilitation des valeurs,traditionnelles. I. La nature corrompue par le colonisateur
Aimé Césaire se présente dans ce texte comme un poète engagé à la manière de Victor Hugo.1) Comme le prophète, il rappelle à temps et à contretemps la valeur du mode de vie traditionnel des antillais, peuple sensible à la poésie (d'une pensée jamais lasse). Le paradis perdu et ses images d'une vie idyllique (le fleuve des tourterelles et les trèfles de la savane) est conforté par les allitérations en « t », « r », « f » et surtout par la douceur des sonorités. Il se prémunie contre la contagion de la civilisation occidentale qui apparaît dans la construction orgueilleuse de buildings de vingt étages, orgueil qui engendre la dégénérescence physique et morale à laquelle font allusion les ambiances crépusculaires, le sacré soleil vénérien et plus généralement la métaphore de la putréfaction. A l'inverse de l'occidental qui élève des constructions orgueilleuses, il se présente comme l'homme des profondeurs. La certitude d'un horizon l'autorise à s'exprimer dans un style lyrique et accusateur à l'égard de ceux qui restent complices du désastre. L'invective de son