Pourquoi punit on ?
La question ici posée risque de ne pas trouver réponse. Certes, les raisons ou motivations de la peine se bousculent au portillon : pour se venger, pour protéger la société, pour absoudre le mal, pour corriger, rectifier, amender, discipliner, éduquer, etc. Quel embarras du choix, me direz-vous. Oui mais voilà, tout ce fatras n'est qu'une justification (une seule, parce que c'est toujours la même, accommodée à l'air du temps ou aux circonstances) de l'acte de punir. Sans s'attarder sur la matérialité du fait de punir - dont la multitude de variétés laisse bon espoir quant à l'inventivité humaine -, une analyse de ce qu'implique un droit de punir nous permettra peut-être de saisir comment la punition est un merveilleux dispositif de production de discours ( dont celui, bien sûr, de la légitimité de la peine ). Ce travail nous fera sans doute souscrire au point de vue de Nietzsche pour qui " il est aujourd'hui impossible de dire avec certitude pourquoi on punit : tous les concepts où se résume significativement un long processus échappent à la définition ; on ne peut définir que ce qui n'a pas d'histoire " ( La généalogie de la morale, II, § 13, p.271 ). En d'autres termes, pour pouvoir répondre au problème il ne faut pas cantonner la question pourquoi ? à sa dimension téléologique ( dans quel but ?, à quelles fins ? ). C'est aussi une question qui nous invite à aller en amont : le dispositif de la punition est là ; définir son événementialité, la comprendre, consiste aussi à interroger la raison des partages ( les stratégies discursives ) qui s'organisent autour de ce dispositif ( entre le juste et l'injuste, ce qui est horrible et ce qui est humain, conforme à une fin ou absurde, etc ).
Arguant de la séparation des pouvoirs, Beccaria montre que le punir se joue non pas entre deux acteurs, mais entre trois personnes : le souverain, le coupable et le magistrat. C'est le souverain, dépositaire de la volonté générale, qui est l'interprète