Pourquoi
Les juristes reconnaissent à la peine cinq fonctions : élimination ou neutralisation temporaire, exemplarité, intimidation, amendement et rétribution. Selon les époques, on insiste plus sur l’une ou l’autre. Ces fonctions ne s’adressent pas au même destinataire. Seul l’amendement vise l’auteur de la faute ; l’élimination ou la neutralisation temporaire, l’exemplarité et l’intimidation ont pour destinataire la Société, la première est censée la protéger, les deux autres l’impressionner par une démonstration de la force étatique. Mais à qui s’adresse la rétribution ? Le sens premier (mais dernier sans doute aussi) est religieux : on récompense les bons, on punit les méchants. C’est ce qu’on appelle couramment rendre justice : l’enfant ne trouve pas juste que son voisin ait un tambour et le lui prend, l’autre ne trouve pas juste d’en être dépossédé, le premier ne trouve pas juste de s’en séparer et à plus forte raison d’être puni. La rétribution va permettre aux deux enfants de comprendre qu’il y a justice et justice et qu’on doit se plier aux lois, qu’elles nous apparaissent justes ou injustes, et d’abord se plier à celles qui protègent le droit de propriété. On peut s’en offusquer, c’est ainsi.
C’est ainsi. La rétribution, étrangement, sert et ne sert qu’à assurer la transcendance de la Loi. À travers ses versions profanes, on en reste à cette idée qu’on ne punit ou récompense que pour montrer qu’au-dessus des basses réalités de ce monde existe un ordre immuable des choses qui permet de classer le bien et le mal.
On naît dans un monde injuste : celui-là est beau, l’autre difforme, celui-là a de quoi manger, on lui lit des histoires, on le change quand il s’est sali, on lui sourit, l’autre crie au milieu d’autres cris, celui-là a un regard vif et celui-ci vient au jour avec une intelligence comme gélatineuse à la suite d’on ne sait quelle malformation et, toute sa vie durant, chacun verra s’accroître les différences. Hasard et