Poèmes d'anthologie
Le baroque :
Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage
Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage,
Et la mer est amère, et l'amour est amer,
L'on s'abîme en l'amour aussi bien qu'en la mer,
Car la mer et l'amour ne sont point sans orage.
Celui qui craint les eaux qu'il demeure au rivage,
Celui qui craint les maux qu'on souffre pour aimer,
Qu'il ne se laisse pas à l'amour enflammer,
Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage.
La mère de l'amour eut la mer pour berceau,
Le feu sort de l'amour, sa mère sort de l'eau,
Mais l'eau contre ce feu ne peut fournir des armes.
Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux,
Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,
Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes.
Pierre de MARBEUF
Le classicisme :
L’étang
Que c’est une chose charmante
De voir cet étang gracieux
Où, comme en un lit précieux,
L’onde est toujours calme et dormante !
Mes yeux, contemplons de plus près
Les inimitables portraits
De ce miroir humide ;
Voyons bien les charmes puissants
Dont sa glace liquide
Enchante et trompe tous les sens.
Déjà je vois sous ce rivage
La terre jointe avec les cieux,
Faire un chaos délicieux
Et de l’onde et de leur image.
Je vois le grand astre du jour
Rouler, dans ce flottant séjour,
Le char de la lumière ;
Et, sans offenser de ses feux
La fraîcheur coutumière,
Dorer son cristal lumineux.
Je vois les tilleuls et les chênes,
Ces géants de cent bras armés,
Ainsi que d’eux-mêmes charmés,
Y mirer leurs têtes hautaines ;
Je vois aussi leurs grands rameaux
Si bien tracer dedans les eaux
Leur mobile peinture,
Qu’on ne sait si l’onde, en tremblant,
Fait trembler leur verdure,
Ou plutôt l’air même et le vent.
Là, l’hirondelle voltigeante,
Rasant les flots clairs et polis,
Y vient, avec cent petits cris,
Baiser son image naissante.
Là, mille autres petits oiseaux
Peignent encore dans les eaux