Poésie
Note de lecture - Denis Pesche, décembre 2005
Cet ouvrage rassemble trois textes d'Elias : le premier (1939), qui a donné le titre de l'ouvrage, constitue en fait ce qu'Elias avait envisagé comme conclusion de son œuvre principale sur le processus de civilisation[2] mais qu'il n'a jamais publié comme telle. Le second texte, "Conscience de soi et image de l'homme" a été élaboré dans les années 1940/50. Le dernier texte, "Les transformations de l'équilibre 'nous-je'" est le plus récent (1986/87). A trois étapes différentes de sa vie et de sa pensée, Elias reprend et approfondit une de ses réflexion récurrente : comment penser l'articulation entre l'individu et le monde social dans lequel il est immergé ? Comment dépasser même l'opposition entre la catégorie "d'individu" et la notion de "société", tant ces deux termes sont inextricablement imbriqués ?
La société des individus
Face à cette interrogation lancinante, Elias développe progressivement sa pensée. Il souligne d'abord que "ce qui nous manque, c'est un mode de pensée, une vision d'ensemble qui nous permette de comprendre, en réfléchissant, ce que nous avons en réalité sous les yeux tous les jours, qui nous permette de comprendre comment la multitude d'individus isolés forme quelque chose qui est quelques chose de plus et quelque chose d'autre que la multitude d'individus isolés - autrement dit, comment ils forment une "société" et pourquoi cette société peut se modifier de telle sorte qu'elle a une histoire qu'aucun des individus qui la constituent n'a voulue, prévue, ni projetée telle qu'elle se déroule réellement" (41). Cette question ancienne a trouvé certaines réponses utilisant une métaphore simple : Aristote parlait de la pierre et de la maison pour illustrer la complémentarité entre l'individu et la société tout en soulignant l'idée que la structure de la totalité ne peut pas s'expliquer par celle des unités prises isolément. Mais Elias ne se