Protocole de maputo
« Praerarae, veritatem esse est per se notum : quia qui negat veritatem esse, concedit veritatem non esse : si enim veritas non est, verum est veritatem non esse : si autem est aliquid verum, oportet quod veritas sit » Sum.Th, Iª, q. 2, a.1
« L’existence de la vérité est connue par elle-même. En effet, qui nie la vérité dit qu’elle n’existe pas ; mais si la vérité n’existe pas, le fait de sa non-existence est vrai, et s’il est quelque chose de vrai, la vérité est » Thomas d’Aquin, Somme de Théologie, partie I, question II, article1.3
Dans l’entre-deux guerres, Alain écrivait : « Penser le mal, c’est penser mal » , formule doublement paradoxale puisqu’elle émane de quelqu’un qui s’employa à dénoncer la guerre et à prôner le pacifisme, et qu’elle paraît en outre comporter une contradiction logique : comment dénoncer une faute, un défaut de la pensée sans faire référence implicitement à une norme de la pensée correcte, et donc reconnaître du même coup une pertinence à la notion de mal ? Le paradoxe d’Alain s’éclaire si l’on considère que son propos est un commentaire de Spinoza, chez qui il trouvait à la fois un rationalisme auquel il souscrivait lui-même, mais qui avait pour conséquence la dénonciation de l’opposition du bien et du mal comme un anthropomorphisme fallacieux. Spinoza fut à cet égard le premier à demander que l’on pense « par-delà le bien et le mal », comme Nietzsche le requerra à son tour en poussant le bouchon jusqu’à en faire un titre d’un de ses ouvrages. Or un tel dépassement n’érige-t-il pas une dictature du conformisme et de la pensée unique face auxquels nos silences seraient complices des dérives possibles ? Ce qui est manifeste, c’est que la position de Spinoza et celle de Nietzsche mettent bien en évidence un aspect majeur de la culture du XX° siècle finissant qui aura été la conjugaison de deux éléments de jugement sans doute incompatibles : d’une part la réprobation sans concession des