Pénélope envellopée dans l'ombre
Quand Euryclée l’informe du massacre des prétendants, Pénélope descend dans le mégaron du palais. Elle franchit le seuil et demeure longuement assise en silence, face à son mari. Tantôt elle reconnaît son visage, tantôt ne le reconnaît pas, ainsi couvert de haillons et souillé de sang ; à la fin, l’émotion, la stupeur, la méfiance, l’incertitude, l’espoir, la joie, la terreur de la joie, les vingt années de séparation – tous les sentiments que Pénélope se cache à elle-même comme à ses lecteurs – l’empêchent de le regarder en face. Ulysse aussi se tait et fixe le sol. Il attend d’être reconnu par sa femme; il ne parvient pas à la regarder, à lui parler, à l’aider à dominer la tension qui la pétrifie.
Enfin, Pénélope prononce les paroles décisives :
Si vraiment
Il est Ulysse, de retour chez lui, assurément tous deux
Nous nous reconnaîtrons fort bien : car nous aussi
Nous avons des signes que nous connaissons seuls, ignorés des étrangers.
Euryclée avait proclamé que la blessure d’Ulysse à la cuisse était "un signe très clair" ; pour Pénélope, ce