L`intégration du droit international dans la jurisprudence du CE L’Institution napoléonienne connaît depuis trois décenies une ouverture sans précédent au droit international. Garante et productrice du droit public, conseillère juridique des princes, l’institution biséculaire du Conseil d’Etat (CE) s’est récemment investie, par la force constitutionnelle, de la compétence de juger de la conformité des actes administatifs (règlements, décrets, décisions, circulaires, rapports, contrats publics ou privés…) aux normes internationales. L’étude de l’évolution jurisprudentielle du CE en matière de droit international révèle un aspect de l’effritement de l’exceptionnalité juridiquo-administrative en France. Les nombreux «revirements de jurisprudence» dans ce domaine traduisent les méthodes générales d’une institution qui tente de rester en phase avec son époque. Cette analyse permet également de comprendre le phénomène d’ «européanisation» décrit par Maria Callgreen dans Transforming Europe. Elle met en lumière le phénomène de «désétatisation du droit». La question est donc de savoir dans quelle mesure les institutions traditionnelles de l’Etat Républicain, garantes des spécificités juridiques françaises, sont-elles prêtes à remettre leurs principes fondamentaux en question face à la mondialisation du droit. I) La lente prise en compte par les juridictions administratives du droit international A) La consécration constitutionelle et jurisprudentielle du droit international 1. Les constitutions de 1946 et de 1958 Le préambule de la constitution de 1946 affirme que « la République Français se conforme aux règles du droit public international ». De même, l’article 55 de la Contitution de 1958 stipule que « Les traité […] ont une autorité supérieure à celle des lois […] ». L’arrêt Dame Kirkwood de 1952 consacre cette obligation: le CE accepte de se saisir d’un recours à l’appui duquel est invoqué une convention internationale. Ce n’est