Quoi Sert La Litt Rature Jean Baptiste Mathieu
Jean-Baptiste Mathieu Jean-Jacques Lecercle et Ronald Shusterman, L'Emprise des signes. Débat sur l'expérience littéraire, Le Seuil, " Poétique ", 2002.
À première vue, le livre de Jean-Jacques Lecercle et Ronald Shusterman L'Emprise des signes. Débat sur l'expérience littéraire se présente comme une tentative pour répondre " aux principales questions de la poétique telles qu'elles sont formulées habituellement " (p. 250) — avec cette particularité que les deux auteurs ne défendent pas, sur ces questions, des thèses communes, mais, chacun leur tour, des thèses antagonistes. L'originalité de L'Emprise des signes ne réside cependant pas seulement dans sa forme agonistique, mais aussi dans le fait que les grands problèmes de la théorie littéraire (comme l'auteur, l'interprétation, la relation des textes au monde, etc.) y sont abordés dans un effort pour répondre à la question " À quoi sert la littérature ? " (" qui a failli servir de titre à ce volume ", apprend-on page 199). Autrement dit, ce livre a surtout pour objet d'établir ce qui fait l'intérêt de la littérature, ce qui justifie qu'on s'y intéresse et qu'on la promeuve. L'objet de ce livre, c'est encore, comme le signale son sous-titre, l'expérience littéraire — ce que " fait " un texte littéraire à son lecteur, ce qu'il lui procure. Si s'interroger sur l'expérience littéraire conduit tout droit à la théorie littéraire, c'est, ainsi que le souligne Jean-Jacques Lecercle en introduction, que toute description de l'expérience littéraire " reflète (…) des choix théoriques " (p. 13).
Pourquoi un livre sur l'expérience littéraire, et pourquoi sous la forme d'une discussion ? La réponse à ces deux questions est dans le constat que font Lecercle et Shusterman d'une crise de la littérature — plus exactement d'une crise dans l'étude et l'enseignement de la littérature. Cette crise affecterait non seulement les méthodes d'analyse de la littérature, mais aussi et surtout sa définition et