Rachid
A peine assis dans la voiture qu’il n’écoutait déjà plus Khaled. Il entendait seulement l’intonation chaleureuse, lointaine et rassurante de sa terre. Rachid renifla avec dégoût une odeur louche au-dessus de son épaule. A gauche comme à droite, c’était le même parfum.
Au restaurant, les garçons parlaient des odeurs de cuisine, mais lui, Rachid, préférait dire les parfums parce que dans parfumer, il y a « par » et les « fumées » et lui, il se sentait toujours empesté par les fumées. Rachid se parlait à lui-même sans paroles. Aurait-il peut certifier en quelle langue il exprimait son monde ?
La douceur des abricots ambre dans les coupes, les senteurs des aubergines en bâtonnets, les artichauts marinés dans l’huile d’olive dont les effluves le faisaient saliver ; ça, personne ne pouvait les réduire à des odeurs de cuisine. Ni l’arôme du café ou même le gingembre râpé, les aulx broyés. Non. Mais les huiles de merguez brûlées, des moussakas calcinées dans des fours continus, des frites et de ces pizzas d’arrière-cuisine lui donnaient des haut-le-cœur. Et maintenant, il était enveloppé des relents qui empestaient. Son estomac se souleva et son cœur sursauta de dégoût. Cheb Bilal pour oublier ? Et son eau de toilette de fleurs suaves ! L’atomiseur de la boîte à gants embauma la voiture de senteurs de lilas et de jasmin.
Pendant toute la journée, pas une pensée. Il travaillait. Comment pouvait-on survivre sans travailler ? Rachid commençait toujours par méditer sur le travail avant de ruminer. Et elle était encore une fois partie en claquant la porte. Et puis ce silence écarlate qui tonne dans la tête et dans le cœur.
Un chouia fanfaronne, la petite Carol ! Pour l’alcôve, les massages à l’huile d’argan et les noubas, il était beau, Rachid tout de noir vêtu, des pieds à la tête puisque ses cheveux bouclés faisaient envie à tous les corbeaux de France. Mais si elle pouvait prendre tout son barda, ses fringues, ses savates,