Rapport de mission sur l'enseignement de la grammaire
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Alain BENTOLILA, Linguiste Professeur des universités, Paris 5 – Sorbonne
En collaboration avec : Dominique DESMARCHELIER Directeur du département de linguistique, Université Paris 5 Erick ORSENNA Conseiller d’Etat, membre de l’Académie française
29 novembre 2006
L’ENSEIGNEMENT DE LA GRAMMAIRE
DE LA MATERNELLE AU COLLÈGE
Partie 1 :
À QUOI SERT LA GRAMMAIRE ?
La puissance créatrice de la grammaire distribue des rôles aux êtres et aux objets que l’on évoque, même si - et surtout si - le monde ne nous les a jamais présentés ainsi ; elle pare les êtres et les objets de certaines qualités même si et surtout si - nos yeux ne nous les ont jamais montrés ainsi. Si toutes les langues possèdent cette capacité d’aller plus loin que l’œil, c’est parce qu’elles exercent sur les mots un pouvoir grammatical qui ne se contente pas de mettre fidèlement en scène le spectacle du monde. Ce pouvoir grammatical est libérateur : il permet à l’homme d’imposer son intelligence au monde. I - GRAMMAIRE ET POUVOIR DE L’INTELLIGENCE Juin 2005 ; neuf heures du matin. La scène se passe dans la cour d’une école maternelle par une journée ensoleillée. La maîtresse place la petite Vanessa en un point précis de la cour et demande à Tiphaine de le marquer d’une croix. Puis Kader est chargé de dessiner sur le sol le contour de l’ombre de Vanessa. Tous les enfants reviennent à 10 heures, Vanessa reprend sa place, un autre enfant dessine l’ombre projetée au sol. On fait de même à 11 heures, à midi et ainsi de suite jusqu’à 16 heures. Ainsi, à mesure que s’égrènent les heures, se succèdent les traces qui rappellent les différentes positions de l’ombre de Vanessa. La maîtresse s’adresse alors à ses élèves et leur demande : « Que pensez-vous de ce que vous voyez par terre ? ».
Presque tous les élèves répondent en chœur : « Maîtresse, c’est une fleur ! » et de montrer du doigt les pétales et de discuter pour