Reflexion sur Le Ruban Blanc
_ l'ordre social produit-il nécessairement du désordre ?
Palme d’or au Festival de Cannes, Le ruban blanc a été salué par la critique comme une réussite esthétique, couronnant selon certains la filmographie de son réalisateur Michael Haneke. Celui-ci, après avoir tourné en anglais (Funny Games U.S.) et en français (Le temps du loup, La Pianiste, Caché), revient à la langue allemande avec ce film qui se déroule dans un village d’Allemagne du Nord à la veille de la Première Guerre mondiale. L’histoire, racontée en voix off par l’instituteur du village, devenu vieux – une voix traînante, qui exprime la maturité et la distance, comme celles de Les âmes grises et Le Nom de la rose -, surgit de l’obscurité et y retourne in extremis, comme d’ailleurs d’autres films de Haneke (Le Temps du loup). Une obscurité ici magnifiée par le noir et blanc, comme d’ailleurs la blancheur éclatante des paysages couverts de neige et des champs de blé balayés par le vent lors du ballet des saisons que déroule le film, et qui est autant symbolique que narrative. Le médecin du village, rentrant d’une promenade à cheval, fait une chute brutale lorsque l’animal se heurte à un câble tendu entre deux arbres. Il passe deux mois à l’hôpital, laissant ses deux enfants – une adolescente de quatorze ans et un petit garçon – à la charge de sa voisine la sage-femme, mère d’un petit garçon trisomique. C’est le premier incident – qui restera inexpliqué – d’une série de drames marquant bientôt le village : une paysanne meurt en accomplissant un travail pour le régisseur du baron, dont le petit garçon Sigi est retrouvé ligoté et fouetté jusqu’au sang, peu après que ses choux ont été « décapités ». Ces incidents s’inscrivent comme autant d’anomalies agressives sur la vie ordinaire et naturelle du village, qui s’en trouve bouleversé, voire traumatisé. Ils génèrent des conséquences qui amplifient ce traumatisme et révèlent la violence