René magritte - le calcul et l'aventure
René Magritte – Le calcul et l'aventure
Les peintures de Magritte de la période héroïque sont souvent réduites aux heureuses trouvailles de quelqu’un qui réside dans les parages du “mystère”. Tout aussi souvent, on méconnaît leurs intentions originelles, et le contexte historique. Avant même qu’il ne soit question d’une quelconque activité surréaliste à Bruxelles, Paul Nougé et ses complices – André Souris, Camille Goemans, Marcel Lecomte, et plus tard René Magritte, E.L.T. Mesens, Scutenaire – se démarquent du groupe autour d’André Breton. Loin de se contenter d’un simple renouvellement formel, ils veulent avant tout miner la passivité du public. “Nous nous moquons des curiosités et des espoirs de quelques amateurs, de quelques marchands, de tous les esthètes. Nous cherchons des complices.” Sous le titre Correspondance, de novembre 1924 à juin 1925, paraissent vingt-deux pamphlets avec des textes existants, réécrits pour souligner les faiblesses des auteurs originaux et créer la distance critique. Le lecteur se croit en terrain connu, jusqu’à ce qu’un mot ou une tournure le désarçonne et le fasse douter de ce qui lui paraissait jusque-là si familier et si plaisant. Le texte devient intervention, force à prendre parti. Cette méthode critique s’apparente au Verfremdungseffekt, l’effet de distanciation de Bertolt Brecht, à la pratique fructueuse du détournement des situationnistes, et à la façon dont Isidore Ducasse, comte de Lautréamont, fait naître les images les plus incongrues en plagiant et en “corrigeant” des textes, sans respect aucun. Dès le début, le groupe autour de Magritte et de Nougé ne ménage pas ses critiques à l’encontre de ceux qui veulent instituer un style moderne qui s’adapterait à un monde inchangé. Ils se méfient aussi du culte de l’irrationnel qui apparaît en filigrane du Manifeste du surréalisme (1924). Ils ne voient pas l’intérêt de la richesse “inépuisable” du subconscient, ni dans l’écriture automatique en tant que