Repenser la prévention
Laurent Mucchielli
(article paru dans Hommes & Libertés, 2002, n°120, p. 54-57)
Le thème de « l’insécurité » est revenu au premier plan de l’actualité politico-médiatique à partir de la fin des années 70. A partir de ce moment, il a été massivement utilisé par la droite pour discréditer la gauche, la sortie de la période de la « guerre froide » privant peu à peu d’effet l’argument du danger communiste. L’approche de cette question a fortement clivé la vie politique tout au long des années 80, en liaison aussi avec l’émergence puis l’enracinement de l’extrême droite. Au cours de la décennie suivante, ce clivage s’est atténué, jusqu’à disparaître en bonne partie à partir de 1997, sous le gouvernement de Lionel Jospin. Voulant rompre avec le passé, ce dernier annonça d’emblée que la sécurité serait la seconde priorité de son action, après le chômage. Ce tournant symbolique fut justifié par deux arguments : 1/ la sécurité est un droit fondamental inscrit dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, 2/ « l’insécurité » touche massivement les classes populaires, celles-là même dont la gauche a pour mission de défendre les intérêts. Cinq ans plus tard, le résultat du premier tour des élections présidentielles a été dramatiquement contraire à l’effet recherché. Pour plusieurs raisons, dont l’une est précisément la manière dont les classes populaires ont voté, la gauche a été éliminée au profit de l’extrême droite. Et la droite revenue au pouvoir met désormais en application son programme policier et pénal dit d’« impunité zéro », à destination de ce que certains syndicats de police appellent depuis quelques années les « zones de non droit » ou encore la « dérive mafieuse des cités », mais visant aussi plus largement toute une série de problèmes sociaux traditionnels et de catégories spécifiques de citoyens (mendiants, gens du voyage, prostituées). A l’heure où les militants des droits de