Le narrateur, Albert Cohen, raconte dans ce livre, autobiographique entièrement consacré à une journée de sa vie, sa découverte de l'antisémitisme. Cela se passe à Marseille, le 16 août 1905, le jour même du dixième anniversaire de l'auteur. A la sortie du lycée Thiers, où il était allé suivre un cours de rattrapage en mathématiques, Albert Cohen aperçoit un camelot qui vante les mérites d'un détachant universel. Ce camelot est beau parleur, sympathique, habile. Autour de lui, un groupe s'est formé, qui l'écoute et auquel se joint le jeune Albert, lui aussi, fasciné par le spectacle du vendeur. Albert, s'approche à un moment donné pour acheter du détachant. Le camelot, l'aperçoit, et c'est alors que la déchirure se produit : cessant son discours, il le désigne à la foule et l'apostrophe : "Toi, tu es un youpin, hein ?(…) Tu es un Français à la manque, hein ? Je vois ça à ta gueule, tu es un sale juif, hein ?(…) Tu viens manger le pain des Français, hein ? Messieurs, dames, je vous présente un copain à Dreyfus, un petit youtre pur-sang, garanti de la confrérie du sécateur, raccourci où il faut, je les reconnais du premier coup (…) Allez file, débarrasse le plancher, va un peu voir à Jérusalem si j'y suis !" Confondu, Albert Cohen recule, et personne, dans le groupe entourant le camelot, ne prend sa défense. Les badauds, au contraire, s'écartent pour mieux le laisser sortir, marquant par des rires leur accord avec ce qui vient de se passer. Toute l'après-midi et une bonne partie de la nuit, Albert errera dans Marseille, pleurant et laissant aller son chagrin, découvrant, surtout, les dizaines de "Mort aux juifs" que les murs de la ville affichent, en cette époque de l'affaire Dreyfus. Le livre est le récit de cette journée, et il se termine par une prière : les chrétiens parlent d'amour du prochain. Ce vœu est sans doute trop pieux pour pouvoir être tenu. Mais si seulement ils pouvaient s'engager à ne serait-ce que ne pas haïr !