Resumer la petite chartreuse
La littérature et l’oubli. A partir d’un banal accident de la route, Pierre Péju entrecroise les histoires de trois solitudes et nous offre un roman déchirant et miraculeusement juste.
Les lecteurs ont du talent. Grâce soit rendue à ceux qui, membres du jury du Livre Inter, ont fait émerger l’un des plus beaux textes de cette année littéraire. Celui de Pierre Péju, un écrivain rare dans tous les sens du terme. Il écrit peu. Il écrit comme personne. Résumer sa Petite chartreuse relève de la mission impossible, tant la simplification risque d’ôter toute sève à ce roman déchirant à force de tragique et de poésie.
La petite chartreuse débute comme une histoire de tous les jours qui pourrait arriver à n’importe qui. Une fillette sort de l’école, sa mère est en retard, il pleut. Elle rentre seule, se perd. Aveuglée par les larmes, elle traverse la chaussée glissante sans regarder. Le destin la met sous les roues de la camionnette du libraire Vollard.
A partir de ce fait presque divers, Péju tisse la vie de ses personnages. Tissu mité, plein de trous et de questionnements. Qui est Vollard, le libraire, parangon de laideur encombré d’un corps éléphantesque ? D’où lui vient cette mémoire indestructible qui embarrasse son cerveau jour et nuit ? Pourquoi, depuis sa prime jeunesse, fuyant les rapports humains, ne s’adonne-t-il qu’à la lecture ? Et Thérèse, la mère de lapetite Éva, qui est-elle et quelle est la blessure non refermée qui la fait partir et repartir sans cesse ? Se sauver pour se sauver, dans le double sens du verbe. Disparaître à la recherche d’un salut qui se dérobe sans cesse. L’un en lisant, l’autre en voyageant sans but. Au chevet d’Éva disloquée et dans le coma, sa mère à nouveau prend la tangente alors que Vollard tente de ramener la fillette à la vie en lui disant les textes des grands écrivains qu’il connaît par cœur.
Mais où donc Péju, miraculeux de justesse, trouve-t-il les mots pour dire ces solitudes sans fond, plombées par