L’esprit de ces soirées est, comme leur nom l’indique, de s’appuyer sur la confrontation de deux points de vue. C’est ce qui m’a permis de découvrir le beau livre de Didier Eribon (2009), qui va sans doute alimenter le plus directement le thème de ce soir. La seconde partie de mon intervention fera davantage écho à ce livre. Mais dans un premier temps je donnerai quelques repères sur la manière dont je pose moi-même, en tant que sociologue et que citoyen engagé, la question des classes sociales, de leurs frontières et de la mobilité entre classes aujourd’hui. Des classes dont on peut dire que, paradoxalement, elles existent à la fois de plus en plus et de moins en moins. Des classes dont le devenir est tributaire avant tout du devenir de luttes sociales et politiques, qui s’aiguisent et vont sans doute s’aiguiser dans la période à venir. Des classes dont les dynamiques mettent de plus en plus à l’ordre du jour, au plan des phénomènes de mobilité sociale, l’enjeu du déclassement social, du « descenseur social », alors que dans les années
1960-1970 l’enjeu de la promotion sociale, en particulier de « l’ascenseur social » des classes populaires vers les classes moyennes était l’enjeu dominant. Un « retour » dans le débat public, dû au renouveau de la conflictualité sociale Dans le débat public comme en sociologie mot « classes sociales » était très utilisé jusque dans les années 1970. Il a été disqualifié dans les années
1980. C’était devenu un gros mot. La « révolution conservatrice » dont parle Didier Eribon, à laquelle avait adhéré un pan entier de la gauche officielle, était passée par là. En particulier toute référence à Marx était quasiment « criminalisée ». Il a fallu attendre le grand mouvement social de
1995, mouvement d’opposition à la première contre-réforme majeure de la protection sociale, pour qu’il soit de nouveau possible d’utiliser ce mot. Ne serait-ce que sous forme de question : quelles sont les