Rhinosceros
En fait, ce texte est un monologue, type de texte de théâtre bien connu des lecteurs. Ce monologue a toutes les allures d'un monologue classique. Tout d'abord définissons : "monologue". L'on parle de "monologue" au théâtre lorsqu'un personnage s'exprime sur scène lorsqu'il est seul ou se croit seul. Le terme de "monologue" signifie étymologiquement "discours à un seul" (personnage, ou à une seule voix). La littérature dramatique est remplie de monologues célèbres; le personnage peut s'adresser à lui-même comme Auguste dans Cinna qui s'adresse à lui-même ("Rentre en toi-même, Octave", IV, 2), le monologue peut s'adresser à un objet ("Fer qui causes ma peine", Rodrigue s'adressant à son épée dans Le Cid, I, 6), à une notion abstraite ("O rage O désespoir / O vieillesse ennemie", Don Diègue, Le Cid, I, 1). Ici, si le destinataire n'est pas clairement identifié (on y reviendra dans la suite du commentaire), il y a bien un personnage, seul en scène, coupé de toute situation de dialogue, qui s'adresse vraisemblablement à sa conscience, comme il le confie lui-même "Ah, comme j'ai mauvaise conscience". Parmi les monologues, on peut distinguer plus particulièrement dans la tradition deux types: les monologues émotifs ou élégiaques (comme les lamentations de Figaro, dans Le mariage de Figaro, V, 3) et d'autre part, les monologues délibératifs, qui mettent en scène un héros partagé entre deux tentations ou devoirs. Le monologue final de Rhinocéros mobilise les deux fonctionnements: plainte et lamentation du héros solitaire, délibération entre les deux aspects de sa personnalité d'homme: entre désir de se conformer à l'idéologie ambiante et volonté de conserver sa faculté de juger librement.
Le monologue final de Bérenger correspond d'abord au paroxysme émotionnel de la pièce. Parce que le personnage de Bérenger se sent pris au piège des rhinocéros (tout le monde est devenu rhinocéros ou les a