Richard
Spécial Shakespeare - par Aude Mairey dans mensuel n°384 daté février 2013 à la page 66 (2006 mots) | Gratuit
C'est la pièce de Shakespeare la plus jouée. Richard III, incarnation du tyran, n'a cessé de nourrir les fantasmes. Qui était vraiment le roi boiteux ?
Oeuvre de jeunesse, écrite à moins de 30 ans, Richard III (vers 1590) a connu une fortune extraordinaire et porté sur le devant de la scène une incarnation majeure du pouvoir tyrannique dans toute sa cruauté et son absurdité. Le personnage éponyme de l'auteur élisabéthain, qui a longtemps permis aux grands acteurs shakespeariens anglais de se faire connaître, est l'une de ses créations les plus denses et l'une des plus présentes de son répertoire.
Avec Richard III, Shakespeare offre une réflexion aiguë sur la soif de pouvoir, sur les ressorts de la vengeance, sur les conséquences de la difformité physique, ainsi que sur les réactions - celles des autres personnages, mais aussi les nôtres - face à la complexité et à l'ambiguïté du mal. Ainsi Shakespeare a-t-il imposé en Occident l'image d'un monstre déformé et vicieux, mais fascinant, et a recouvert de son voile la réalité historique du dernier roi yorkiste, né en 1452, usurpateur de la couronne anglaise en 1483 et tué deux ans plus tard à la bataille de
Bosworth le 22 août 1485.
RIVALITÉS POLITIQUES
Le dramaturge n'a pas forgé son Richard de toutes pièces. Il s'est beaucoup appuyé sur l'oeuvre de celui qui fut le premier à réunir les fils épars de récits de la fin du XVe et du début du XVIe siècle dans une construction cohérente : l'humaniste Thomas More. Ce dernier a composé, durant la décennie 1510, sous le règne d'Henri VIII, une pièce très rhétorique intitulée Histoire du roi Richard le troisième (en anglais et en latin) afin de dénoncer les méfaits de la tyrannie. Son texte, qui sonnait comme un avertissement aux premiers Tudors, n'a d'ailleurs été publié qu'après sa mort