Rire et politique
Le rire désamorce le danger qu’il y a à s’approcher de l’autre. Beaucoup de choses peuvent être dites pourvu qu’elles ne soient pas prises au sérieux. Humour et dérision participent ainsi des codes subtils qui permettent d’entrer en relation, de donner de soi une certaine image, de s’imposer dans un groupe. Mais peut-on rire de tout ? Quand l’humour devient-il grinçant, quand porte-t-il à faux ?
L’humour est une des manières de dire les incohérences de la société, la boursouflure des puissants, la suffisance des esprits doctes, les petites lâchetés de tout un chacun. L’invitation à en rire ou à en sourire dissimule la critique derrière la non dangerosité apparente du propos : ce dont je parle n’est pas grave, la manière dont j’en parle est légère. Mais le pouvoir ou le savoir que je dénonce sont vains, eux aussi.
Il y a dans l’humour anglais ou le “bel esprit” français des dispositions de pensée qui se mettent en place avec les Lumières, mais qui trouvent leurs sources déjà dans l’humanisme de la Renaissance : une capacité, qui est au fond le ressort de toute démarche scientifique, à toujours remettre en question nos présupposés et nos assertions. Le rire témoigne du refus de nous réfugier dans les croyances pour combler nos désirs et apaiser nos angoisses. Il affirme la prééminence du concept d'incertitude. Ce sens du relatif et de l'inachevé nous le trouvons au centre de l'épistémologie des sciences sociales, et comme principe recteur, souvent trahi, dans bien des domaines de la créativité artistique, politique et sociale. Les contributions à ce numéro s’attacheront à