Où en sont les personnages de roman ?Que devient celui qui dit JE ? De plus en plus l’autofiction triomphe, au détriment de la pure fiction. L’autofiction est un investissement illimité de la personne réelle dans l’œuvre littéraire. Que devient la relation de l’auteur avec son personnage quand le personnage n’est autre que la personne même de l’auteur ? Quelle est la liberté du « je » de l’autofiction, si vive et surprenante chez les personnages de fiction ? Elle est possible, oui, à condition que l’auteur ne se plante pas devant lui-même comme devant un miroir magnifiant, excitant, mais qu’il tourne ce miroir de soi vers le monde, pour que le monde s’y réfléchisse ; à condition qu’il prenne vraiment le risque de laisser remonter à la surface toutes les nappes de brume se détachant de la vaste masse de « l’ombre interne » qui l’habite, le hante. A condition, finalement, qu’il se perde de vue, qu’il se laisse emporter très au large de lui-même par le flux discontinu du langage. Qu’il s’oublie. Se perdre de vue pour se voir autrement, pour se découvrir autre.
« Le héros de roman n'accuse pas les dieux », soulignait Alain, qui considérait le roman comme le poème du libre arbitre. Le libre arbitre est la capacité de juger librement.Le héros de roman cherche -t -il à instruire, à plaire, à inventer, à relier (au sens religare) l 'homme à (aux) dieu(x) ? Observons en quoi le personnage de roman tente le rôle au-delà de son rôle d'acteur dans l 'histoire, d 'instuire son lecteur ?Pour Crébillon le libertin, qui appartient au XVIIIe, le siècle des Lumières, un roman sans péripéties, qui se rapproche de la vie, a une utilité morale. « L’homme verrait enfin l’homme tel qu’il est ; on l’éblouirait moins, mais on l’instruirait davantage. » Pour Diderot aussi, le roman doit montrer le cours général des choses qui nous environnent. On retrouve ici l’une des grandes règles classiques héritées d’Horace, le poète latin : l’œuvre littéraire a pour mission d’instruire autant que