Roman
Introduction La figure du héros dans la pièce de Musset est une des plus fluctuantes et des plus controversées, au regard des différents critiques qui ont largement commenté Lorenzaccio, et ce en adoptant les positions les plus radicales. Jamais personnage littéraire ne fut autant dévalué, décrié et raillé. Il faut dire aussi que ce parti pris trouve sa raison partielle dans une hostilité, également féconde en violentes diatribes, contre Musset et contre l’esprit même du romantisme, lequel a prévalu comme une mode littéraire à la courte existence. Attitude critique assez partiale, cette lecture du personnage n’en demeure pas moins fortement discutable, car elle fait souvent appel à des catégories d’analyse qui situent Lorenzaccio dans un contexte autre que le romantisme, ou la scène romantique. Ainsi en est-il de l’approche psychologique adoptée par Bernard Masson[i], remise en question par Marie-Joséphine Whitaker[ii]. La thèse postulée par Masson était celle d’un Lorenzo « agi […] par des forces qu’il ne maîtrise pas », un personnage qui « ne s’appartient plus ». Cette vision tragique, quelque peu réductrice, ôte en effet à Lorenzaccio toute force d’action et à son geste la valeur morale et idéologique qu’il revêt. Musset lui-même évacue ce type de réflexion qui aurait tendance à transformer son personnage en ersatz de héros tragique. Il écrit : « chez nous l’homme est seul, et ses vices, ses vertus, ses crimes lui appartiennent » (de la tragédie). De fait, cette vision romantique resitue le héros dans une dynamique de la représentation qui inclut la geste du personnage dans un projet global d’action historique et politique. Une pièce comme Lorenzaccio repose essentiellement sur l’idée, à la fois révolutionnaire et héroïque, que le destin d’une nation, les conditions même de la liberté au nom de la république, sont entre les mains d’un seul personnage. Un personnage qui montre par ailleurs tous