“ Commencons par écarter tous les faits… et le genre humain pour auditeur.” Ed. Librio, p. 24-25.

Introduction :

Ce texte définit la démarche de Rousseau dans sa recherche des origines de l’inégalité.
Cette démarche n’est pas historique et l’origine qu’il recherche n’est pas une origine réelle dans le passé, mais une origine probable, telle que nous pouvons l’établir par des conjectures (hypothèses) rationnelles.
Dès lors, cette démarche de type philosophique est exposée à une objection importante et risque d’être fragilisée, car qu’est-ce qui garantit la valeur de ces conjectures rousseauistes ?
Ce texte est destiné à répondre à cette critique.

Dans un premier temps, Rousseau expose sa méthode. Il faut, dit-il, “écarter tous les faits”. Cela signifie chez lui deux mises à l’écart :

La mise à l’écart des faits actuels, qui nous montrent l’homme d’aujourd’hui. Rousseau l’a déjà dit : l’homme tel qu’il est aujourd’hui ne saurait nous dire ce qu’est l’homme “naturel”, ce qu’est la nature de l’homme. L’homme a en effet été sérieusement dégradé ou corrompu par la civilisation, et il a été rendu méconnaissable. Donc il faut écarter de notre regard l’homme tel qu’il est aujourd’hui, de fait.
Mais il faut aussi écarter la considération des faits passés. Il ne s’agit pas pour Rousseau de partir à la recherche de ce qu’ont été réellement les hommes des cavernes ! En ce sens, on voit comment Rousseau s’en tient à une démarche philosophique classique, et n’a pas du tout la démarche scientifique de l’anthropologie actuelle qui, elle, tente de déterminer réellement comment vivait l’homme sauvage, à partir des traces qu’on peut retrouver (squelettes, peintures, etc.) Lui déclare qu’il ne faut pas considérer,ses recherches comme “des vérités historiques”.

Et aussitôt, il précise que ses recherches sont des “conjectures” destinées à “éclairer la nature des choses”. On retrouve ici la dimension classique des recherches philosophiques qui travaillent sur du