Rousseau voyage à turin
Après avoir brièvement décrit sa première rencontre avec Mme de Warens [p. 52 « c’était le jour des Rameaux de l’année 1728 »], épisode fondamental dans son existence et dans le livre, Rousseau dépeint son voyage vers Turin[1] où il doit être instruit et baptisé [p. 57 « c’était que j’allasse à Turin, où, dans un hospice établi pour l’instruction des catéchumènes, j’aurais, dit-il, la vie temporelle et spirituelle, jusqu’à ce qu’entré dans le sein de l’Église je trouvasse, par la charité des bonnes âmes, une place qui me convînt. »]
Rousseau n’a que 16 ans [p. 51 « j’étais au milieu de ma seizième année »] : c’est un adolescent qui a fugué et rompu, « par négligence » [p. 59], avec sa famille.
Mme de Warens le confie à M. Sabran, qualifié de « manant » ou de « diable d’homme » dans les pages qui précèdent notre extrait. C’est à lui que revient l’idée du départ pour Turin, au désespoir, discret, de Mme de Warens. [p. 58 « mais mon diable d’homme, qui craignait qu’elle n’en parlât pas à son gré, et qui avait son petit intérêt dans cette affaire, courut prévenir les aumôniers, et emboucha si bien les bons prêtres, que quand madame de Warens, qui craignait pour moi ce voyage, en voulut parler à l’évêque, elle trouva que c’était une affaire arrangée, et il lui remit à l’instant l’argent destiné pour mon petit viatique. Elle n’osa insister pour me faire rester : j’approchais d’un âge où une femme du sien ne pouvait décemment vouloir retenir un jeune homme auprès d’elle. »]
Sans faire aucune mention des adieux à Mme de Warens et maintenant dans une ambigüité pudique, grâce à cette ellipse narrative, la teneur de leur relation, Rousseau fait entrer son lecteur in medias res dans le récit de son voyage à pieds vers Turin, accompagné du « manant » et de sa femme, Mme Sabran :
LECTURE
Je m’acheminais gaiement avec mon dévot guide et sa sémillante compagne. Nul accident ne troubla mon voyage : j’étais dans la plus