Rousseau
L'Europe était retombée dans la barbarie des premiers âges. Les peuples de cette partie du monde aujourd'hui si éclairée vivaient, il y a quelques siècles, dans un état pire que l'ignorance. Je ne sais quel jargon scientifique, encore plus méprisable que l'ignorance, avait usurpé le nom du savoir, et opposait à son retour un obstacle pres- que invincible. Il fallait une révolution pour ramener les hommes au sens commun ; elle vint enfin du côté d'où on l'aurait le moins attendue. Ce fut le stupide Musulman, ce fut l'éternel fléau des lettres qui les fit renaître parmi nous. La chute du trône de
Constantin porta dans l'Italie les débris de l'ancienne Grèce. La France s'enrichit à son tour de ces précieuses dépouilles. Bientôt les sciences suivirent les lettres ; à l'art d'écrire se joignit l'art de penser ; gradation qui paraît étrange et qui n'est peut-être que trop naturelle ; et l'on commença à sentir le principal avantage du commerce des
Muses, celui de rendre les hommes plus sociables en leur inspirant le désir de se plaire les uns aux autres par des ouvrages dignes de leur approbation