Il semble qu’il y ait contradiction entre ce qui est énoncé dans le 1er § et le titre du chapitre. N’est-il pas déjà acquis que la servitude ne peut être fondée ni en nature ni sur la force, pourquoi donc examiner l’esclavage comme fondement possible de l’autorité ? En fait, la généralité du titre est trompeuse : ce n’est ni du statut d’esclave en général, ni du fait historique de l’esclavage dont il sera dans ce chapitre question. Rousseau se donne un objet plus déterminé : réfuter les théoriciens de la servitude volontaire ou, plus précisément encore, de la servitude contractuelle. Dans les chapitres précédent, Rousseau a montré que la souveraineté politique ne doit reposer ni sur l’autorité naturelle qu’un homme détiendrait sur ses semblables, les hommes étant tous égaux en droit et naturellement libre[1], ni sur la force. Restent donc les conventions. Or, pour certains théoriciens, on peut se faire esclave par convention, par libre consentement, on peut aliéner non seulement sa liberté mais aussi celle de ses enfants. C’est cette thèse défendue par les absolutistes, Grotius, Hobbes et Pufendorf qui va être analysée et détruite, c’est le concept même d’un pacte de soumission, formé par ces mêmes théoriciens[2], qu’il s’agit d’invalider dans ce chapitre.
Nul ne peut aliéner sa liberté à un autre homme
Dans le 2ème §, Rousseau s’attaque à la thèse absolutiste de Grotius. Pour justifier l’absolutisme, Grotius effectue, selon Rousseau, une généralisation abusive à partir d’un argument non fond, à savoir celui d’un prétendu droit de chacun à aliéner sa liberté. Il étend ce supposé droit à l’ensemble des individus, à tout un peuple. Mais déjà rien ne prouve qu’un particulier ait le droit d’aliéner sa liberté et, même si cela était, rien ne prouve non plus que ce qui est valable pour un seul le soit également pour tous. Rousseau établira que la liberté, qu’elle soit individuelle ou collective, est inaliénable. En effet celui qui aliène sa liberté le fait pour en