Rwanda et littérature
En 1998, l’écrivain tchadien Noccky Djedanoum initia le projet « Rwanda : écrire par devoir de mémoire », qui permit à dix écrivains africains de séjourner à Kigali et plus tard d’écrire un témoignage. Parmi les livres issus de ce projet et parus dans les années 2000, L’aîné des orphelins de Tierno Monenembo se présente sous les traits d’une fiction. Une note liminaire l’affirme clairement : « Si le génocide rwandais est irréfutable, les situations et les personnages de ce roman sont, eux, fictifs pour la plupart ».
Le héros narrateur, prénommé Faustin, est un adolescent de 15 ans dont on apprend dès la deuxième page du roman qu’il attend la mort dans la prison centrale de Kigali. Sur le mode rétrospectif et de manière non chronologique, il raconte sa vie .
Le choix d’une telle discontinuité narrative permet d’une part de faire surgir tout au long du récit des mystères (pourquoi Faustin est-il condamné à mort, où se trouvent ses parents, qu’est-il arrivé à ses sœurs et à son frère), qui imposent au lecteur une lecture active, sous peine d’être désorienté. Effets d’attente (le mystère familial n’est levé que dans les dernières pages) et frustration interprétative (on ne saura jamais ce qui est arrivé durant le génocide aux sœurs et au frère de Faustin) se conjuguent pour créer dans l’esprit du lecteur un sentiment d’inconfort qui le place, face à un récit troué et décousu, dans une situation semblable à celle du personnage face au chaos du monde.
D’autre part, un tel choix permet de mettre en scène en creux le traumatisme vécu par Faustin, qui semble avoir refoulé les événements violents vécus lors du génocide. Ce n’est qu’au terme d’un cheminement douloureux et sinueux dans les méandres de son passé tragique, qu’il parvient à se souvenir de la scène tragique qui se trouve à l’origine de ses malheurs, et à la raconter, dans les dernières pages du récit.
Un mot sur le style du récit : le