Salut
Marguerite Duras consacra surtout son attention au terrible trio de ses personnages. Mais la matière autobiographique ne l’empêcha pas de fixer déjà, dans ce roman colonial qui fustigeait les turpitudes de certains administrateurs français en Indochine, ce qui devint sa grande problématique : la dénonciation de l’injustice sociale, de la morale bourgeoise.
L’action se déroule en un pays et à une époque qui ne peuvent manquer de jouer leur rôle dans ce drame. Et ce n’est pas le tableau du pays, que la romancière brossa avec un certain réalisme exotique, qui peut atténuer la tension qui anime le livre.
Ce pays était la colonie française d'Indochine, la péninsule appartenant à l'empire colonial français : le Laos et le Cambodge étaient deux protectorats ; le territoire vietnamien était constitué d'une colonie, la Cochinchine, dont Saigon était la capitale, et d'un protectorat, l'Annam-Tonkin. Si l'investissement financier prospérait, si l'industrie naissait, en revanche l'agriculture progressait peu : à peine la moitié des terres concédées aux Européens étaient exploitées. Cependant, l’enseignement était plus développé que dans les autres colonies françaises : il y avait 4 % de fréquentation scolaire en Algérie et 30 % au Cambodge. Les parents de Marguerite Duras ne furent pas les seuls professeurs à avoir répondu à l'appel de la propagande coloniale.
La domination française était mal acceptée, surtout au Vietnam où existait déjà un mouvement anticolonialiste à la veille de la guerre de 1914. Des soldats indochinois participèrent à la Première Guerre mondiale et furent envoyés au front, en première ligne, à Verdun notamment, tandis qu’entre deux assauts, ils étaient parqués à l'arrière, loin des autres combattants français. À la conférence de Versailles qui statua sur les traités de l'après-guerre, le leader nationaliste Hô Chi Minh réclama l'émancipation progressive de l'Indochine. Mais, à part les communistes et de rares