Sanssure linguste
1. Les paradoxes d’une ontologie du négatif. 1 « Le fonctionnement du phonème dans la langue est un phénomène qui nous mène à la conclusion : le p (...)
5Pour bien comprendre le problème de Saussure, il faut d’abord comprendre les raisons théoriques qui le motivent. Car s’il est vrai qu’on ne peut fonder sur la seule affirmation de Saussure toute une ontologie nouvelle, il n’est pas vrai cependant que le linguiste puisse tout simplement se passer de l’hypothèse ontologique et appliquer tranquillement la méthode structurale. Ou plus exactement, il peut le faire, mais à un certain coût théorique. Des auteurs comme Troubetzkoy, Jakobson ou Martinet, par exemple, peuvent fort bien ne pas poser la question ontologique, mais dans la mesure où ils définissent le langage comme un moyen de communication1. Or cela implique que ce qu’il y a à communiquer, du moins, soit déterminé en soi. De même, on pourrait fort bien dire, par exemple, que les nuances qualitatives sont des indices permettant de reconnaître un signe qui lui peut être défini positivement, relativement à une « pensée » ou une « représentation ». Dans ce cas, les traits distinctifs fonctionneraient simplement comme des critères permettant d’identifier une entité parfaitement définie en elle-même, voire une « représentation phonologique » pour reprendre le vocabulaire des Principes de phonologie générative de Chomsky (cf. notamment Chomsky, 1968 : 35-38 et 59-63). Cette entité n’a assurément rien de « différentiel » en soi ni d’oppositif, et elle ne pose aucun problème ontologique nouveau : elle se contente de reposer la question du « mental » dans des termes assez traditionnels. On peut dire que l’on identifie une