Scene 8
DORANTE, à part.
Qu'elle est digne d'être aimée ! Pourquoi faut-il que Mario m'ait prévenu ?
SILVIA
Où étiez-vous donc Monsieur ? Depuis que j'ai quitté Mario je n'ai pu vous retrouver pour vous rendre compte de ce que j'ai dit à Monsieur Orgon. Je ne me suis pourtant pas éloigné ; mais de quoi s'agit-il ?
SILVIA, à part.
Quelle froideur! (Haut.) J'ai eu beau décrier votre valet et prendre sa conscience à témoin de son peu de mérite, j'ai eu beau lui représenter qu'on pouvait du moins reculer le mariage, il ne m'a pas seulement écoutée ; je vous avertis même qu'on parle d'envoyer chez le notaire, et qu'il est temps de vous déclarer.
DORANTE
C'est mon intention ; je vais partir incognito, et je laisserai un billet qui instruira
Monsieur Orgon de tout.
SILVIA, à part.
Partir ! Ce n'est pas là mon compte.
DORANTE
N'approuvez-vous pas mon idée ?
SILVIA
Mais... pas trop.
DORANTE
Je ne vois pourtant rien de mieux dans la situation où je suis, à moins que de parler moi-même, et je ne saurais m'y résoudre ; j'ai d'ailleurs d'autres raisons qui veulent que je me retire : je n'ai plus que faire ici.
SILVIA
Comme je ne sais pas vos raisons, je ne puis ni les approuver, ni les combattre ; et ce n'est pas à moi à vous les demander.
DORANTE
Il vous est aisé de les soupçonner, Lisette.
SILVIA
Mais je pense, par exemple, que vous avez du dégoût pour la fille de Monsieur Orgon.
DORANTE
Ne voyez-vous que cela ?
SILVIA
Il y a bien encore certaines choses que je pourrais supposer ; mais je ne suis pas folle, et je n'ai pas la vanité de m'y arrêter.
DORANTE
Ni le courage d'en parler ; car vous n'auriez rien d'obligeant à me dire : adieu Lisette.
SILVIA
Prenez garde, je crois que vous ne m'entendez pas, je suis obligée de vous le dire.
DORANTE
À merveille ! Et l'explication ne me serait pas favorable, gardez-moi le secret jusqu'à mon départ.
SILVIA
Quoi,