Se faire plaisir
« Le plaisir est pour le corps, le bien pour l’âme. Plaisir et bien coïncident rarement », Journal intime de Sophie Tolstoï. Ce journal intime est le saisissant éclat du conflit littéraire et amoureux entre le comte Léon Tolstoï et sa comtesse, où cette dernière relate ses jours heureux en tant qu’épouse et scribe du grand auteur russe comme ses jours les plus noirs d’une femme abandonné par son mari pour mener une vie de chrétien comme il en a rêvé. Sa fugue consacre l'incroyable adolescence tardive qui l'a vu renier son œuvre littéraire et son train de vie obscène, sa renommée et son milieu. Le vieillard lubrique obéit enfin aux commandements puritains dont il accablait sa femme avant de la saillir puis de se repentir. Cette vision moraliste de Tolstoï condamne le corps et encastre le plaisir dans le seul champ des plaisirs corporels qui viennent à l’encontre du bien et de la morale. Ainsi le fait de se faire plaisir est perçu par Tolstoï comme l’assouvissement direct des pulsions corporels. Or se faire plaisir désigne l’acte de confectionner un plaisir pour soi en vue d’une satisfaction personnelle que ce soit une satisfaction des sens ou de l’intellect. Toutefois, si le fait de se faire plaisir n’émane que des désirs de l’homme dans le but de lui procurer une sensation agréable, l’homme ne peut ressentir du plaisir qu’à partir de lui-même et que pour lui-même. Ceci pose trois problèmes : le premier étant de savoir si le fait de se faire plaisir ne fait pas plonger l’homme dans une sphère individualiste à la quête d’un plaisir corporel impartageable. Le deuxième problème soulevé concerne la contribution d’autrui aux différents plaisirs personnels et le rapport avec la morale et les lois universelles. Enfin le dernier problème traité sera celui de l’interaction entre la nécessité collective, obligeant l’homme à interagir avec autrui, et le plaisir personnel. Ainsi comment l’homme peut-il faire l’expérience d’un plaisir qui lui est