Sensation, Rimbaud - Poésies
1. Corps et âme
Composé d’une seule phrase, le premier quatrain se caractérise par de nombreuses références au corps (des "pieds" à la "tête") et aux sensations tandis que le second multiplie des termes ressortissant à des actions ou des sentiments abstraits (parler, penser, "amour infini", "âme", "Nature" avec majuscule). Cette distinction dualiste est cependant atténuée par l’économie des liaisons logiques qui assurent une grande fluidité au poème (renforcée par la musicalité de nombreuses assonances à l’intérieur des vers). Seule, au vers 6, la conjonction de coordination "mais" introduit une nuance d’opposition (encore qu’elle soit discrète, suggérant davantage que " l’amour infini " n’a rien à voir avec une activité intellectuelle : "je ne penserai rien").
2. L’effet de la dernière phrase
Les huit dernières syllabes du dernier vers, typographiquement mises en valeur par une virgule et un tiret d’incidente, achèvent le second quatrain sur une note éminemment sensuelle (l’évocation d’une femme) qui contraste avec les sentiments abstraits décrits précédemment. Cette comparaison finale introduit la présence d’une altérité féminine qui, à tous les sens du terme, forme un couple avec la comparaison précédente du vers 7 ("comme un bohémien"). Cette introduction des rapports humains au sein de ce qui se présentait jusqu’alors comme une jouissance hédoniste centrée sur le seul locuteur induit une lecture rétrospective : le bonheur de la promenade est d’ordre, sinon passionnel, du mois sensuel.
II. Un espace sensuel et féminin
1. Un paysage mobile
La structuration de l’espace du poème suggère que l’espace se révèle animé : des "soirs bleus", le regard descend dans "les sentiers" jusqu’au sol ("les blés") et ses détails infimes ("l’herbe menue"). Puis des "pieds", on passe à la tête, mouvement qui se prolonge avec l’évocation de "l’amour infini qui (lui) montera dans l’âme". Enfin, ce mouvement vertical