Ses synthese
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La démocratisation de l’enseignement et son paradoxe apparent
Marion Selz, Louis-André Vallet*
Un aspect important du débat sur la démocratisation de l’enseignement porte sur l’évolution temporelle – réduction, maintien ou accentuation – des écarts d’accès aux diplômes entre individus originaires des différents groupes sociaux. Les deux conclusions suivantes sont valides. D’une part, évaluées sur toute la population, les inégalités d’accès aux diplômes selon l’origine sociale ont diminué entre des générations espacées d’une cinquantaine d’années. D’autre part, en raisonnant sur les seuls diplômés du baccalauréat (ou équivalent), les inégalités d’obtention d’un diplôme de l’enseignement supérieur, en fonction de l’origine sociale, ont augmenté entre les mêmes générations. Le paradoxe n’est qu’apparent.
ans la société française, l’expansion de l’enseignement a été très f or t e d e p u is le d é b u t d u e XX siècle. Selon les enquêtes sur l’emploi et parmi les hommes français de naissance nés entre 1920 et 1922, 32 % n’ont obtenu aucun diplôme, 39 % étaient titulaires du seul certificat d’études primaires et 1 4 % on t o b t e n u l e b r e v e t
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et/ou un CAP. Ils n’étaient que 7 % à détenir, pour diplôme le plus élevé, un titre du niveau du baccalauréat et 8 % un titre de l’enseignement supérieur. Les d iplômes élevés étaient encore plus rares parmi les femmes nées dans les mêmes années : 5 % seulement étaient diplômées du baccalauréat et 4 % du supérieur, alors que 34 % n’avaient
aucun diplôme et 42 % étaient titulaires du seul CEP. Une cinquantaine d’années plus tard, la situation est bouleversée. Dans la génération née entre 1974 et 1976, 18 % des hommes et 23 % des femmes ont un titre de niveau égal ou supérieur à la licence, 17 % des premiers et 22 % des secondes sont titulaires d’un diplôme d’une ou deux années
* Marion Selz appartient à l’Unité mixte de recherche 8097du CNRS et de l’EHESS et Louis-André