Essai

Décembre 1951

D’une incroyable volupté et d’une exquise légèreté, il virevoltait, frôlant l’air et s’amourachant de lui. On pouvait ressentir face à ce spectacle, la passion qu’embrasaient ces deux éléments indispensables l’un pour l’autre.
Yelena se trouvait ainsi face à ses désirs, comparant sa vie à ce chassé croisé aérien. Assistant pour la énième fois au ballet de Prokofiev, elle contemplait avec toute son attention l’élégant mouvement du jupon de Juliette. La danse était sa seule distraction, bien que le terme fût trop euphémique. Elle passait en effet le plus clair de son temps libre dans les différents opéras de sa ville natale, regrettant sa chance de devenir une danseuse.
Le temps lui avait manqué. De nombreux évènements conjugués à un altruisme étouffant l’avaient empêchée d’accomplir ce qu’elle ne pouvait même plus appeler son rêve, mais sa vocation. Du haut de ses vingt-et-un ans, elle n’attendait rien d’autre de la vie qu’une dernière chance. Sa détermination ne faisait que croître au fur et à mesure qu’elle se nourrissait de ces spectacles emprunts de féérie et de légèreté.
Son âge, cependant, la complexait. Pour parvenir à un quelconque avenir dans la danse, une enfance bercée de pas chassés et de pointes aurait été préférable. Cependant, la vie lui réservait en réalité plus qu’une simple dernière chance…

Avril 1928

En entrant dans le salon de leur maison familiale, Andreï regarda sa mère. Depuis toujours il était pour le moins admiratif de cette femme à qui il devait tout. Elle lui avait tout transmis. Son éducation, son ambition, sa fierté, sa confiance, son assurance, et surtout, sa culture et son goût pour la littérature qui l’avait amené à être ce qu’il était actuellement, un écrivain. Le simple geste qu’elle avait de porter une cigarette à ses lèvres constituait pour ses yeux de fils émerveillé un spectacle devant lequel son esprit était subjugué de contemplation. Sa manière de se mouvoir, de parler, de se vêtir n’était